Un texte Annick de SOUZENELLE
« Il est indéniable que la verticalisation intérieure de l’Homme se fera de façon toute privilégiée dans un corps verticalisé lui-même avec harmonie.
La colonne vertébrale n’est pas un axe droit – elle serait alors très fragile – mais elle est composée d’une succession de courbes qui se complètent, se compensent et lui donnent une remarquable solidité dans la souplesse.
La droite idéale que ces courbes reconstituent unit d’une façon exacte dans un même plan les chevilles, les reins et les oreilles. Ainsi se continuent et se correspondent dans la croissance de l’Arbre les trois « germes » pied-rein-oreille. Cet axe doit être reçu avec justesse dans la coupe du hara. Le hara est un mot japonais qui signifie le « ventre » ; les Chinois l’appellent Tan tien. Il est centré sur un point précis que recueille en son milieu une coupe imaginaire et horizontale du corps passant entre l’ombilic et le pubis.
La posture du hara est celle que forme le corps lorsque le rapport exact est observé entre cette coupe et l’axe de la colonne vertébrale. Cela implique que l’Homme debout tient ses pieds parallèles l’un à l’autre et séparés l’un de l’autre de la longueur d’un pied environ. Ses genoux non raidis sont prêts à la flexion, prêts à jouer avec les chevilles et les hanches pour que l’équilibre mouvant soit toujours assuré.
Stable dans le mouvement, dansant sur ses racines, l’Homme dans son hara est centré en lui-même. Son buste n’est ni penché en avant, ni cambré en arrière, mais ancré avec exactitude dans le hara de telle sorte que le ventre soit toujours libéré. La tête est bien dégagée des épaules qui, elles, « lâchent prise » et tombent. La colonne cervicale se déroule dans la lumière et prolonge au mieux la colonne vertébrale, obligeant le menton à un léger retrait et cela, nous le verrons, pour que le corps ne soit plus qu’une oreille et que l’Homme devienne Verbe.
En Occident nous faisons appel au langage hippologique pour dire du vrai cavalier qu’il est « dans son assiette ». Celui qui ne connaîtrait pas l’ « assiette », ne faisant pas correspondre son centre de gravité à celui de sa monture, serait vite éjecté du cheval ; celui-ci ne ressentirait pas en lui le maître et reprendrait les rênes, ou plutôt sa course folle ! L’assiette est dans la posture du hara.
Assis, l’Homme peut être dans son hara, à condition que le ventre soit dégagé. Il ne connaît pas l’affalement. Il ne connaît pas davantage la raideur. Il est dans une parfaite détente et donc disponible, réceptif, et totalement attentif. Ses énergies sont toutes en éveil. Sa force centrée sur le hara est rayonnante et tient en respect celui qu’il rencontre.
La force de l’Homme qui a peur est ramassée sur les épaules et menaçante. La tension est extrême.
Dans la rectitude du hara qui, encore une fois, n’est ni raideur ni négligence, l’Homme connaît une vigilance peu courante et acquiert une nouvelle sensibilité sensorielle, prémices de celle qui va ouvrir son cœur et son intelligence à un autre niveau de réalité. Les énergies – les Chinois disent les « souffles » – circulent avec exactitude et dans une économie optimale à travers le corps éveillé. Et nul ne pourra nier que, Temple de l’Esprit, le corps éveillé n’appelle pas le roi dans son palais. »
In La symbolique du corps humain
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