Un texte de J.M.G. LE CLÉZIO sur les arbres qui éclaire la pratique du Zhan Zhuang

 

« Il y a des arbres si beaux qu’on aimerait les appeler des dieux. Les rochers, les herbes, les insectes, les hommes peuvent vous émouvoir, vous intéresser. Mais ils ne sont pas comme les arbres. C’est peut-être qu’en eux seuls la vie est continuellement apparente dans sa force verticale, élevée au-dessus de la surface de la terre. Vie immobile mais cependant orientée, chargée de sens comme un mouvement qui va commencer.

Je les regarde. Je m’approche d’eux lentement, avec précaution, parce que je sens la puissance de leur vie, de leur silence, de leur paix. Je ne veux pas les déranger. (…) Leur pensée n’est pas la mienne, pas celle des hommes. Elle est ce qui émane de leur vie, lentement, par la croissance des feuilles, par l’épaisseur de l’écorce, par l’avancée souterraine des racines. Je perçois un autre temps, un autre espace.

Je m’approche, doucement, sans faire de bruit. L’ombre de la feuillée me recouvre, me protège. Je ne cherche plus à voir, à comprendre. Mais seulement je respire, je suis haut, étendu, le corps dans le ciel de lumière et les pieds enfouis dans la terre profonde.

Ils ne parlent pas. Chacun règne au centre de sa vie, plein de force et de beauté, pareil à un dieu immobile. (…)

Mon cœur bat plus lentement, toute ma peau respire, même mes cheveux et mes ongles respirent. Peut-être que je pourrais apprendre à être debout, moi aussi, sans dormir, au centre d’un regard circulaire qui voit la vie comme elle est. »

in L’inconnu sur la terre

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